PROPOS RECUEILLIS PAR | ARTHUR MONTAIGNE
Architecte de talent, dessinateur de génie, Hugo Toro s’impose petit à petit comme l’un des grands noms de son métier. Mais ce n’est pas la gloire qu’il recherche, ni les honneurs, ce qu’il désire avant tout, c’est partager des histoires et donner à voir aux autres ce qu’il a imaginé, sur ses cahiers ou son iPad. Il est en quelque sorte l’architecte 2.0.
Il est difficile de définir précisément la signature d’Hugo Toro, même si elle existe évidemment lorsque l’on pénètre dans l’un des lieux qu’il a aménagés. En passant quelques instants avec lui, on le comprend aisément car au fil de ses idées qui fusent comme des feux d’artifice, une expression revient souvent : « un univers complet ». Parfois, le jeune architecte de 34 ans apporte une nuance, parlant de « travail », un terme plus banal qui cache ce que l’on pourrait aussi qualifier d’œuvre complète. Car c’est ce qu’Hugo Toro cherche à proposer dans les lieux qu’il revisite et il n’est jamais autant à son avantage que quand on lui laisse carte blanche pour donner libre cours à son inspiration, à sa vision. Ses créations favorites ? Il répond presque immédiatement « mes projets à Londres, avec le Booking Office, la Midland Dining Room ou le Gothic Bar », des endroits quelque peu hors du temps où son style riche et pluriel atteint son paroxysme. Dans le bar gothique, les moulures de cathédrales donnent que couleur particulière à un intérieur rappelant les clubs de gentlemen londoniens du XIXe siècle. Le souci du détail, mètre-étalon dans son métier, est une véritable vocation chez lui qui passe des heures à dessiner, à peindre, notamment sur son iPad, lequel regorge de projets créés lors d’un voyage en avion, ou au cours d’une conversation téléphonique. Ce sont ces dessins que l’on retrouve ensuite dans les appartements, hôtels particuliers et autres lieux qu’Hugo Toro réinvente.
La Villa Albertine est un bâtiment du Gilded Age, une période marquée par l’opulence et pour le décor, je me suis inspiré d’un poème qu’avait écrit l’ancienne propriétaire autour de l’univers aquatique et cela m’a inspiré le dessin du motif qui recouvre la cheminée
L’un des plus beaux exemples est cette impressionnante cheminée dans l’un des living-rooms de la Villa Albertine, la version new-yorkaise de la Villa Médicis dont le projet de rénovation lui a été confié. « La Villa Albertine est un bâtiment du Gilded Age, une période marquée par l’opulence et pour le décor, je me suis inspiré d’un poème qu’avait écrit l’ancienne propriétaire autour de l’univers aquatique et cela m’a inspiré le dessin du motif qui recouvre la cheminée. Je l’ai réalisé sur ma tablette, et il a ensuite été modélisé, puis taillé directement dans la pierre. Pour le reste de la décoration, nous avons choisi dans le catalogue du Mobilier National. C’est un travail très précis car nous utilisons les outils actuels ce qui fait que les dessins que j’ai réalisés sur mon écran étaient déjà définitif. On est au centimètre près. » Qu’il s’agisse d’une cheminée, d’un lustre, d’une table ou d’un canapé, qui sont souvent réalisés à sa demande et sous sa supervision, Hugo Toro veut avant tout raconter une histoire. Il parle volontiers de scénario, de cinéma, voire de bande dessinée, expliquant que les pièces d’une maison sont comme des vignettes expirant chacune une chose, mais au final, toutes connectées à une seule et même histoire.
Il faut toujours être guidé par la curiosité mais le ressenti fait 90% du projet. Mon métier, c’est la transition entre les matériaux, les espaces, les sentiments…
C’est cela qu’il nous délivre, mélangeant les genres, les influences, les styles avec, de temps à autre, une petite rupture pour donner une âme à l’ensemble. « Il y a toujours un côté narratif, confie-t-il. Il faut s’adapter à un contexte, à une cible et l’on peut s’inspirer de tout pour recréer. Il faut toujours être guidé par la curiosité mais le ressenti fait 90% du projet. Mon métier, c’est la transition entre les matériaux, les espaces, les sentiments…» Aujourd’hui, Hugo Toro a des projets dans le monde entier. Villa à Ibiza, riad au Maroc et bientôt, le premier hôtel Orient Express actuellement en construction à Rome, un lieu dans lequel il devrait une nouvelle fois mettre en application l’une de ses plus belles maximes, celle qu’il a suivie pour le restaurant GiGi : « créer quelque chose de chaleureux, où l’on se sent bien. »